paiement et révision de la pension alimentaire


Statut de la question : Publiée
Categorie(s) de la question : Droit de la famille

Détails de la question :

Je paye une pension alimentaire pour mes 2 filles de 300€. Ma dernière fille part au lycée et va être à l’internat. Je participe aux frais d’école, je voulais savoir si je continuais à payer la pension alimentaire ou pas pour ma dernière fille ?

La réponse :

Afin d’appréhender au mieux cette question, divers points seront abordés tels que l’obligation relative à la pension alimentaire, les cas d’exonération à cette obligation, ainsi que l’éventuelle révision du montant de la pension alimentaire.

I. LA PENSION ALIMENTAIRE : CONTRIBUTION A L’ENTRETIEN ET A L’ÉDUCATION DES ENFANTS

On entend par « pension alimentaire » la somme d’argent versée périodiquement en exécution d’une obligation alimentaire. Elle est ainsi l’extension de l’obligation alimentaire qu’ont les parents envers leur(s) enfant(s) en vertu de laquelle le débiteur, uni par un lien de parenté ou d’alliance au créancier, est tenu de lui fournir des moyens de subsistance quand il est dans une situation de besoin.

Par prolongement il incombe aux parents diverses obligations envers leur(s) enfant(s).
Selon les dispositions de l’article 371-2 du Code civil, chacun des parents doit contribuer à l’entretien et à l’éducation de ses enfants à proportion de ses ressources, de celle de l’autre parent, ainsi qu’aux besoins de l’enfant.
Cette obligation résulte de l’obligation alimentaire visée par l’article 203 du même code selon lequel les parents doivent nourrir, entretenir et élever leur(s) enfant(s).
Dès lors, ladite obligation se divise entre les deux parents qui, dans leurs rapports entre eux, doivent en supporter le poids de manière proportionnelle. Cette proportionnalité est appréciée au regard des ressources dont chacun dispose.

Lorsque la pension alimentaire est versée et correspond à une participation aux frais d’école, l’obligation qui incombe au parent débiteur est remplie, sous réserve qu’elle le soit régulièrement.

La séparation des parents ou leur divorce ne met pas fin à une telle obligation dont l’enfant est créancier. On entend par cela, le fait que l’obligation qui incombe aux parents est due à leur(s) enfant(s) et non pas entre les parents. En effet, une pension alimentaire doit être versée lorsque l’enfant ne vit pas avec ses deux parents, par le parent qui n’en a pas la charge, à l’autre. Cette pension est déterminée par une convention homologuée par le juge, ou judiciairement.
Ainsi, lorsque les parents sont séparés, ou divorcés, la pension alimentaire vise à contraindre celui des parents chez lequel l’enfant ne réside pas habituellement à verser à l’autre parent une contribution pour son entretien et son éducation.
De fait, si l’autre parent la perçoit c’est au nom de l’enfant qui vit avec lui, et non pas à titre personnel.

Ayant ici relaté l’obligation de versement de la pension alimentaire, il convient de s’interroger sur une éventuelle cause d’exonération.

II. LES CAUSES D’EXONÉRATION DE LA PENSION ALIMENTAIRE

Lorsque l’enfant est mineur, c’est le parent avec lequel il réside qui perçoit la pension alimentaire pour lui, en son nom.
Cependant, si une telle obligation existe, il existe certaines situations où le parent débiteur cesse d’être tenu par elle.
C’est notamment le cas lorsque celui qui doit verser la pension alimentaire est dans l’impossibilité matérielle de le faire. Pour apprécier le terme d’ « impossibilité matérielle de le faire », il convient de se rapprocher de l’interprétation jurisprudentielle rendue par la Cour de cassation dans un arrêt du 17 octobre 1985 rendu par sa deuxième chambre civile. Dans cet arrêt, la Cour de cassation admet qu’un père, lorsqu’il n’est pas dépourvu de ressources, doit contribuer à l’entretien de l’enfant commun. (Cass. civ. 2e, 17 oct. 1985 Bull. civ. N°60). Ainsi, il semble que l’impossibilité matérielle de verser la pension soit subordonnée à une absence de revenus, une incapacité pour celui qui doit la verser de payer.
Pour exemple, la Cour de cassation retient que n’est pas en mesure « actuellement » de verser une pension alimentaire le père qui est en congé parental et ne perçoit à ce titre que de faibles ressources. (Cass. civ. 1re, 8 oct. 2008). En l’espèce, le père avait volontairement abandonné un travail pour un congé parental. De fait, il n’était pas en mesure de verser une pension alimentaire. Le juge fait prévaloir l’incapacité financière sur l’intention du parent de prendre en charge l’éducation de l’enfant.
En revanche, un père ne saurait se prévaloir de son licenciement en cours d’instance pour demander la réduction du montant initial de la pension alimentaire. (Cass. Civ, 1ère, 8 oct. 2008 bull. civ. n° 219). Ainsi, la caractérisation de ce critère varie selon les cas d’espèce.

Mais qu’en est-il lorsque l’enfant est majeur ? De prime abord, la question s’avère plus délicate.
La loi du 4 mars 2002 consacre une jurisprudence constante en l’article 371-2 alinéa 2 du Code civil. Ainsi, les parents sont tenus de subvenir aux besoins de leurs enfants, mêmes majeurs, qui « ne peuvent eux-mêmes subvenir à leurs besoins ».
En effet, selon les dispositions de cet article, « cette obligation ne cesse pas de pleins droits lorsque l’enfant est majeur. » Il importe peu que la pension alimentaire soit fixée par jugement ou par une convention homologuée. ( Sauf disposition contraire du jugement qui, après divorce, condamne l’un des époux à servir une pension alimentaire à titre de contribution à l’entretien des enfants mineurs dont l’autre à la garde, les effets de la condamnation ne cessent pas de plein droit à la majorité de l’enfant : Cass. Civ. 2e, 8 févr. 1989 Bull. civ. II n° 32 ; R p 248. ; « Même solution lorsque la contribution est due en vertu d’une convention homologuée ne précisant pas que cette contribution cesserait à la majorité de l’enfant. » : Cass. Civ. 2e, 17 déc. 1997 Bull. civ. II, n°320 ; RTD civ. 1998. 360.)

Il convient de rappeler que l’obligation d’entretien a pour objet l’éducation de l’enfant. Ainsi, que l’enfant soit mineur ou majeur, la contribution est relative à la poursuite des études, l’éducation.

Selon les dispositions de l’article 373-2-5 du Code civil, lorsque l’enfant est majeur et qu’il ne peut subvenir à ses besoins lui-même, le parent qui assume à titre principal sa charge peut demander à l’autre parent de lui verser une contribution à son entretien et à son éducation.
De ces dispositions ressortent deux éléments permettant de mettre fin à la contribution. En effet si l’on étudie son contenu, deux conditions doivent être réunies pour que la contribution soit retenue : l’enfant ne doit pas parvenir à subvenir à ses propres besoins, et doit poursuivre ses études. A contrario si l’une de ces deux conditions n’est pas remplie, la contribution peut disparaître.
Dès lors, le versement de la pension alimentaire cesse soit lorsque l’enfant peut subvenir à ses propres besoins, soit lorsque l’enfant ne continue pas ses études.
La preuve doit être apportée par le parent qui demande la révision ou la suppression de la pension alimentaire. (Cass. civ. 1ère, 9 janv. 2008, JCP 2008, II, 10 064, note E. Bazin : « il appartient à celui qui demande la suppression d’une contribution à l’entretien d’un enfant de rapporter la preuve des circonstances permettant de l’en décharger.)
Pour exemple, il a été retenu que « les pères et mères ne sont pas tenus de secourir leur(s) enfant(s) majeur(s) qui, par leur faute, se sont mis dans une situation d’impécuniosité (Cass. Civ. 1re, 25 juin 1996 D, 1997 455)
En matière d’autonomie financière, « une Cour d’appel estime souverainement que le père, débiteur de la contribution, ne rapporte pas la preuve que sa fille occupe un emploi régulier lui permettant de subvenir seule à ses besoins : Cass. Civ. 2e, 27 janv. 2000).

Il convient de s’interroger sur une éventuelle condition supplémentaire : celle de la cohabitation avec l’enfant.
La Cour de cassation nous apporte la réponse dans un arrêt du 28 janvier 1981 en précisant que les enfants majeurs qui poursuivent leurs études sont libres de choisir leur résidence. Ainsi, la contribution du père à leur entretien ne peut être subordonnée à la condition qu’ils viennent vivre avec lui (Cass. Civ. 2e, 28 janv. 1981 Bull. civ. II. N°19).
Dès lors, par similitude, on peut entendre le fait qu’un enfant résiderait dans un internat et non pas avec l’un de ses parents n’est pas un frein au paiement de la pension alimentaire.

Ainsi, si l’enfant n’est pas dans l’une de ces hypothèses, le parent débiteur se doit de poursuivre le versement à l’autre parent (créancier) ou directement à l’enfant (Art 373-2-5 du Code civil).

III. LA REVISION DU MONTANT DE LA PENSION ALIMENTAIRE

La pension alimentaire pour les enfants est appréciée au jour du jugement ou de la convention homologuée. Cependant, la situation de l’enfant, celle du parent débiteur (celui qui paye la pension), ou celle du parent créancier (celui qui la reçoit), peuvent évoluer.

Il convient de préciser qu’ici, nous allons aborder la question de la révision de la pension alimentaire, et non pas celle de sa réévaluation. On entend par réévaluation de la pension alimentaire le fait pour le juge d’apprécier le montant en fonction d’un indice des prix à la consommation mentionné par le jugement ou l’ordonnance. En fonction de la hausse ou de la baisse de cet indice, il peut donc y avoir une revalorisation ou une diminution du montant de la pension alimentaire.

Or, ici, nous allons envisager non pas la réévaluation, mais la révision de la pension alimentaire.
La révision de la pension alimentaire s’apprécie au regard de deux éléments : le besoin de l’enfant et les ressources des parents. En effet, il n’existe pas de barème impératif ayant vocation à s’appliquer en la matière.
Ces deux paramètres sont appréciés par le juge aux affaires familiales afin d’établir le montant de la contribution au titre de l’obligation alimentaire.
Concernant le besoin de l’enfant, il existe une obligation de prise en compte des besoins des enfants, eu égard à leur âge et à leurs habitudes de vie (Cass. civ. 1re, 22 mars 2005, pourvoi n°03-13135, Bull. civ. 2005 I N° 140 p. 121). Cette contribution suit les besoins éducatifs de l’enfant. Ceux-ci évoluent selon la période et les études suivies.
Concernant les ressources des parents, pour fixer la contribution à l’entretien et à l’éducation, le juge doit se placer au jour où il statue pour apprécier les ressources des parents (Cass civ. 1re, 7 oct. 2015 n°14.23237)

La contribution à l’entretien de l’enfant n’est pas immuable. Une éventuelle demande de révision à la baisse ou à la hausse peut être engagée devant le juge aux affaires familiales. Le juge aux affaires familiales du TGI (tribunal de grande instance) peut être saisi d’une demande de révision de la pension alimentaire par le débiteur (le parent qui est tenu de verser ladite pension alimentaire), ou par le créancier (le parent qui reçoit ladite pension alimentaire ou l’enfant qui peut la recevoir directement entre ses mains).
Afin d’apprécier s’il y a lieu de modifier la pension alimentaire, il appartient au juge d’examiner le(s) changement(s) intervenu(s), le(s) fait(s) nouveau(x).  En effet, la survenance d’un fait nouveau par rapport à la situation antérieure, est une condition indispensable (Cour d’appel Aix-en-Provence, 17 mai 1994).
Tout événement modifiant la fortune des intéressés ou les besoins du créancier, à la hausse ou à la baisse peut être retenu.

Lorsque le débiteur adresse une demande de révision auprès du juge aux affaires familiales du TGI, la demande peut être réalisée dans le but d’obtenir une réduction du montant (requête en révision de la pension alimentaire) ou une suppression de la pension alimentaire (requête en annulation de la pension alimentaire).
Le parent débiteur doit alors utiliser le formulaire cerfa n°11530*05. Il convient de préciser que le parent débiteur ne peut saisir le tribunal de son choix mais obligatoirement le tribunal du lieu où demeure le créancier.
Pour exemple, il a été retenu que la pension alimentaire pouvait être révisée à la baisse suite à l’augmentation des charges du débiteur, notamment en matière de perte d’emploi (Cour d’appel Paris, 13 juillet 1989), ou de survenance d’un enfant (Cass. Civ. 1re, 15 oct. 1956). En effet, l’arrivée d’un enfant dans le foyer est prise en compte si le débiteur a de nouvelles charges (Cour d’appel Reims, 15 mars 2001 : « la pension devait être diminuée compte tenu de l’arrivée au foyer de 2 nouveaux enfants à la suite de la nouvelle union du père. »).

Lorsque le créancier adresse une demande de révision auprès du juge aux affaires familiales du TGI, la demande peut être réalisée dans le but d’obtenir une augmentation du montant de la pension alimentaire si ce montant est devenu insuffisant pour subvenir à ses besoins.
Le créancier doit utiliser le formulaire cerfa n°11530*05.
Concernant le choix du tribunal, le créancier peut saisir le tribunal du lieu où il demeure ou celui du lieu où demeure le débiteur.
Pour exemple, il a été retenu que la pension alimentaire pouvait être révisée à la hausse suite à l’augmentation des besoins vitaux de l’enfant (Cour d’appel Toulouse, 21 juin 1994).

Diverses pièces sont à fournir par le demandeur. Selon la situation, les pièces à fournir varient. Dès lors, il convient de se référer à la notice du formulaire de demande pour obtenir la liste exhaustive.

Tant que le juge n’est pas saisi d’une requête en annulation, ou en révision de la pension alimentaire, son premier jugement s’impose aux parties. Il faut comprendre par cela que le parent débiteur ne peut seul décider de diminuer sa contribution. S’il l’envisageait, divers recours s’ouvrent au créancier (parent qui perçoit la pension alimentaire ou l’enfant directement), notamment le recouvrement par voie d’huissier.
Toutefois, le parent débiteur peut s’accorder de manière amiable avec le créancier. Il convient de préciser que l’accord amiable ne modifie pas le jugement initial, sauf ci cet accord est homologué par le juge des affaires familiales.
Si tel n’est pas le cas, la saisine du juge aux affaires familiales semble incontournable.

Si la demande de révision aboutit, le jugement aura autorité de chose jugée. (Article 480 du Code de procédure civile). Ainsi, seul le dernier jugement doit s’appliquer et sera opposable aux parties.

Cependant, le parent débiteur ou le créancier pourra de nouveau saisir le juge aux affaires familiales d’une demande de révision si un élément nouveau est intervenu.