Détails de la question :
Mon ex-conjoint ne paye plus la pension alimentaire depuis 2 mois. Que-puis je faire ?
La réponse :
Afin d’appréhender au mieux cette question divers points seront abordés tels que l’obligation relative à la pension alimentaire, les cas d’exonération à cette obligation, les cas de prescription et les éventuels recours envisageables pour le parent créancier lésé en ses droits de percevoir ladite pension.
L’OBLIGATION D’EDUCATION ET D’ENTRETIEN DES ENFANTS
On entend par « pension alimentaire » la somme d’argent versée périodiquement en exécution d’une obligation alimentaire. Elle est ainsi l’extension de l’obligation alimentaire qu’ont les parents pendant le mariage envers leur(s) enfant(s) en vertu de laquelle le débiteur, uni par un lien de parenté ou d’alliance au créancier, est tenu de lui fournir des moyens de subsistance quand il est dans une situation de besoin.
Par prolongement il incombe aux parents diverses obligations envers leur(s) enfant(s).
Selon les dispositions de l’article 371-2 du Code civil ainsi que celles de l’article 373-2-2 et suivants du même code, chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celle de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant.
Ainsi, chacun des père et mère est tenu pour le tout de l’obligation d’élever, de nourrir, d’entretenir les enfants communs (Article 203 du Code civil) : les parents doivent entretenir leurs enfants et ont à se titre une obligation d’entretien et d’éducation envers ces derniers.
Cette obligation se divise entre les deux parents qui, dans leurs rapports entre eux, doivent en supporter le poids de manière proportionnelle. Cette proportionnalité est appréciée au regard des ressources dont chacun dispose.
La séparation des parents ou leur divorce ne met pas fin à une telle obligation dont l’enfant est créancier. On entend par cela, le fait que l’obligation qui incombe aux parents est due à leur(s) enfant(s) et non pas entre les parents. En effet, une pension alimentaire doit être versée lorsque l’enfant ne vit pas avec ses deux parents, par le parent qui n’en a pas la charge, à l’autre. Cette pension est déterminée par une convention homologuée, ou judiciairement.
De fait, si l’autre parent la perçoit c’est au nom de l’enfant qui vit avec lui, et non pas à titre personnel.
Ayant ici relaté l’obligation de versement de la pension alimentaire, il convient de s’interroger sur une éventuelle cause d’exonération.
LES CAUSES EXONÉRATION DE L’OBLIGATION D’EDUCATION ET D’ENTRETIEN DES ENFANTS
Si la pension alimentaire peut varier dans le temps, elle ne cesse pas nécessairement à la majorité de l’enfant, conformément à l’article 371-2 al 2 du Code civil. Celle-ci devant se poursuivre jusqu’à ce que l’enfant ait acquis son autonomie financière.
Cependant, si une telle obligation existe, il est de certains cas où le parent débiteur cesse d’être tenu par elle. C’est notamment le cas lorsque celui qui doit verser la pension alimentaire est dans l’impossibilité matérielle de le faire. Pour apprécier le terme d’ « impossibilité matérielle de le faire », il convient de se rapprocher de l’interprétation jurisprudentielle rendue par la Cour de cassation dans un arrêt du 17 octobre 1985 rendu par sa deuxième chambre civile. Dans cet arrêt, la Cour de cassation admet qu’un père, lorsqu’il n’est pas dépourvu de ressources, doit contribuer à l’entretien de l’enfant commun. (Cass. civ. 2ème 17 oct. 1985 Bull. civ. n°60). Ainsi, il semble que l’impossibilité matérielle de verser la pension soit subordonnée à une absence de revenus, une incapacité pour celui qui doit la verser de payer.
Pour exemple, la Cour de cassation retient que n’est pas en mesure « actuellement » de verser une pension alimentaire le père qui est en congé parental et ne perçoit à ce titre que de faibles ressources. (Cass. civ. 1ère, 8 oct. 2008). En l’espèce, le père avait volontairement abandonné un travail pour un congé parental. De fait, il n’était pas en mesure de verser une pension alimentaire. Le juge fait prévaloir que l’incapacité financière sur l’intention du parent de prendre en charge l’éducation de l’enfant.
En revanche, un père ne saurait se prévaloir de son licenciement en cours d’instance pour demander la réduction du montant initial de la pension alimentaire. (Civ, 1ère, 8 oct. 2008 bull. civ. n° 219).
Ainsi, la caractérisation de ce critère varie selon les cas d’espèce.
Si le débiteur de cette obligation (la personne qui doit la pension alimentaire) n’est pas dans le cas précité, il est tenu par l’obligation d’entretien et d’éducation de l’enfant. De fait, il est dans l’obligation de verser ladite pension.
Dans l’éventualité où l’un des parents se soustrait à l’exécution de ce devoir légal et moral, il existe divers recours pour remettre les personnes comme si le dommage n’avait jamais existé.
LES RECOURS ENVISAGEABLES POUR LE PARENT CRÉANCIER LÉSÉ
Selon les dispositions de l’article 2277 du Code civil, la prescription de l’action est quinquennale.
Ainsi, pour qu’une action en paiement soit ouverte, le parent qui ne s’est pas vu remettre le versement de la pension alimentaire a 5 ans pour agir à compter de ce jour. Sans quoi l’action n’aurait aucune conséquence et ne pourrait aboutir. Lorsque ce délai de 5 ans pour agir est dépassé, on dit de l’action qu’elle est prescrite.
Avant de faire appel au panel de recours judiciaires, il est bon de rappeler que la première solution consiste en la tentative de renouer le dialogue avec l’autre parent afin d’aboutir à un accord amiable.
Lorsque la pension alimentaire n’est pas versée, ou l’est de manière irrégulière, et que la phase amiable a échoué, d’autres possibilités s’ouvrent au parent qui doit recevoir cette pension.
Pour que le recours soit efficace, il ne faut pas que le débiteur soit dans le cas d’exonération ou que l’action soit prescrite.
Face à un refus de paiement, le créancier peut engager deux procédures distinctes :
- La procédure de recouvrement par voie d’huissier, ou en s’adressant au Trésor public ou à la CAF ;
- La procédure pénale visant à faire condamner le débiteur à des sanctions pénales
I. La procédure de recouvrement par voie d’huissier, recours au Trésor public ou à la CAF
Pour obtenir le versement ou recouvrer le versement d’une pension alimentaire il faut préalablement relancer le débiteur (personne devant verser la pension alimentaire à l’autre). Si cela ne suffit pas, le parent qui doit percevoir la pension alimentaire doit se munir d’un titre exécutoire.
La procédure de paiement direct, permet de récupérer 6 mois d’arriérés alimentaires. S’il s’agit de plus de 6 mois d’impayés, les arriérés seront récupérés par saisies.
D’autres recours sont envisageables tels que s’adresser à la Caisse d’allocations familiales (CAF) ou saisir le procureur auprès du Trésor public.
En cas de non-paiement de pension alimentaire, le parent créancier peut engager une procédure en recouvrement en mettant en demeure l’autre parent débiteur de régler les sommes dues.
Le parent créancier doit être muni d’un titre exécutoire (d’une ordonnance ou d’un jugement) rendu par le juge aux affaires familiales, fixant le montant de la pension alimentaire. Ce titre exécutoire a ici le rôle d’attester les droits du parent créancier.
Il doit adresser au parent débiteur une lettre de mise en demeure en recommandée avec avis de réception :
- lui rappelant ses obligations,
- lui demandant de régler les sommes dues et à échoir
- et, qu’à défaut de régularisation, un recouvrement forcé peut être exercé.
En effet, celui qui a forcément assumé la charge a un recours contre le défaillant (la personne qui n’a pas versé la pension alimentaire). Toutefois, ledit recours serait sans cause si, à raison de son insolvabilité complète, l’obligation de ce dernier se trouvait à disparaître. (Civ. 27 nov. 1935, Époux GIBEAUX.)
Si le débiteur ne répond pas à la mise en demeure, le créancier peut recourir à un huissier de justice, à la CAF ou s’adresser directement au Trésor public.
A. Le recours à un huissier de justice : un recouvrement direct
Il convient de s’interroger quant au choix de l’huissier de justice. Le créancier doit contacter l’huissier de justice de son lieu de résidence et lui remettre le jugement fixant la pension alimentaire ainsi que tous les renseignements sur le débiteur.
Lorsque le parent créancier ne dispose pas desdits renseignements nécessaires pour permettre à l’huissier de mettre en place le paiement direct, l’huissier pourra les rechercher auprès des administrations compétentes.
Le recours à l’huissier de justice peut avoir lieu dès la première échéance impayée.
Après contrôle du titre exécutoire, l’huissier engagera une procédure de paiement direct. Cette procédure permet de s’adresser à un tiers qui doit de l’argent au débiteur.
Le plus souvent, il s’agit de l’employeur du débiteur, de la caisse de retraite si le débiteur est à la retraite, ou du Pôle Emploi si le débiteur est au chômage, voire de la banque du débiteur.
Le recouvrement ne peut concerner que les 6 derniers termes impayés ou incomplètement payés. Quand il s’agit d’un prélèvement chez l’employeur, une somme minimale égale au RSA (499,31 € en 2014) est laissée au conjoint débiteur.
Cependant, la procédure de paiement direct risque de ne pas aboutir si le débiteur a d’autres créanciers.
Dès lors, si le débiteur est au chômage et qu’il ne touche pas d’allocations chômage et est au RSA, la procédure ne peut pas aboutir.
Toutefois, l’huissier pourra exercer une autre procédure : la procédure de saisie. Cette dernière consiste en une saisie des biens immobiliers ou des comptes bancaires du débiteur. Il convient de préciser que cette procédure est rare en pratique.
Les frais de procédure et les honoraires d’huissier sont à la charge du débiteur.
Dès lors qu’il reçoit l’avis de paiement direct, le tiers est tenu de verser la pension alimentaire en priorité. En cas de non-paiement, il serait tenu pour responsable et s’exposerait à une amende pouvant atteindre 1 500 € (3 000 € en cas de récidive).
B. Le recours à la CAF (Caisse d’Allocation Familiale)
Le parent créancier peut également envisager de faire appel à la CAF.
Cette dernière peut notamment accorder une allocation de soutien familial (ASF), sous réserves de certaines conditions alternatives, telles que :
Ne pas percevoir de contribution à l’entretien de votre enfant de la part de votre ex-conjoint(e),
Percevoir le versement de manière irrégulière (un mois sur deux par exemple),
Percevoir le versement de la contribution de manière partielle (si le montant est de 300€ et que vous n’en percevez que 200€),
L’ASF a un intérêt certain. En effet, elle accorde dès le premier mois d’impayé une aide à l’éducation de l’enfant, sans être soumis à une quelconque condition de ressource. Elle permet de garantir 104,75 euros par mois et par enfant, et peut apporter un complément de revenus au parent recevant une pension inférieure à 104,75 euros.
Cependant, deux conditions cumulatives sont nécessaires à sa mise en oeuvre :
- Vivre seul, c’est-à-dire sans concubinage, ni PACS, ni mariage.
- Et également justifier d’une décision de justice fixant la pension alimentaire. Elle s’élève à 95,52 € par mois (depuis le 1er avril 2014) et par enfant. Elle est significativement réévaluée depuis ces dernières années et devrait atteindre 120 € en 2017.
La CAF engage alors une procédure de recouvrement pour récupérer la pension alimentaire auprès de l’autre parent.
En plus de cette aide, il est possible de recourir à la CAF pour recouvrir la pension alimentaire.
Lorsque 2 mois se sont écoulés sans que la pension ne soit payée, ou de manière incomplète, la CAF peut se charger de récupérer la pension due. Ici, le recours à l’ASF se fait à titre d’avance sur la pension alimentaire due aux enfants.
Dans ce cas de figure, la CAF pourra récupérer jusqu’à 6 mois d’arriérés.
Depuis le 1er avril 2016, La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 (LFSS 2016) généralise le dispositif de garantie contre les impayés de pensions alimentaires (GIPA) à l’ensemble du territoire français et renforce les procédures de recouvrement.
Il est possible de recourir à la GIPA lorsqu’on ne peut pas prétendre à l’ASF. Si le fait d’être en couple empêche de bénéficier de l’ASF, il n’en est rien pour la GIPA. Ainsi, dans une telle situation, le parent peut bénéficier de la GIPA.
Les personnes bénéficiant de ce dispositif peuvent obtenir un versement d’une ASF versée dès le premier mois d’impayés de pension tel qu’expliqué auparavant.
Vous ne pouvez pas prétendre à l’ASF (car vous vivez en couple par exemple) ? Vous pouvez peut-être bénéficier de la GIPA.
Ainsi, les caisses d’allocations familiales (CAF) pourront parallèlement recouvrer par une procédure de paiement direct pour le compte du parent créancier, 24 mois d’arriérés d’une pension alimentaire pour l’entretien d’un enfant, au lieu des 6 derniers.
Par ailleurs, une saisie sur salaire du montant de la pension et des 24 derniers mois sera possible lorsqu’une CAF agira pour le compte du créancier.
C. Le recours au Trésor public
Si les deux précédentes procédures ont échoué (devant huissier ou devant la CAF), le parent créancier dispose d’un autre le recours : le recours au Trésor public.
Pour cela, il faut disposer d’une décision de justice ayant ordonné le paiement de la pension et justifier que l’ex-conjoint débiteur en a bien été informé par acte d’huissier.
Pour obtenir le paiement des impayés, le créancier doit s’adresser au procureur de la République du Tribunal de grande instance de son domicile par une lettre recommandée avec avis de réception. La lettre au procureur doit inclure :
- Une copie du titre exécutoire, avec notamment l’acte d’huissier en informant le conjoint
- Les coordonnées du débiteur
- La preuve que les autres procédures ont échoué
Par la suite, le procureur de la République confiera au Trésor public le recouvrement des pensions impayées, dans la limite des six dernières échéances. Le Trésor public engage une procédure de recouvrement public (la même que celle qui a lieu en cas d’impôts impayés).
Le débiteur peut cependant contester le recouvrement par simple lettre au procureur de la République ou demander l’arrêt du recouvrement s’il justifie du paiement des arriérés et du paiement de la pension pendant douze mois consécutifs.
II. Le recours à la procédure pénale : seconde procédure envisageable
Concernant la procédure pénale : le créancier doit porter plainte contre le débiteur pour « abandon de famille » auprès d’un Commissariat ou d’une Gendarmerie.
Selon les dispositions de l’article 227-3 du Code pénal : « Le fait, pour une personne, de ne pas exécuter une décision judiciaire ou une convention judiciairement homologuée lui imposant de verser au profit d’un enfant mineur, (…) une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature dues en raison de l’une des obligations familiales prévues par le code civil, en demeurant plus de deux mois sans s’acquitter intégralement de cette obligation, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Les infractions prévues par le premier alinéa du présent article sont assimilées à des abandons de famille pour l’application du 3° de l’article 373 du Code civil ».
Ainsi, lorsque la pension alimentaire n’est plus payée depuis plus de deux mois, sous réserve que les moyens habituels de recouvrement n’aient pas abouti, un dernier recours peut être engagé contre le parent débiteur. Ce recours consiste à porter plainte pour « abandon de famille ».
Cette procédure ne permet pas de récupérer les sommes dues, mais elle constitue un moyen de pression au regard des peines encourues : l’ex-conjoint débiteur est en effet passible d’une peine pouvant atteindre deux ans d’emprisonnement et d’une amende allant jusqu’à 15 000 €.
La plainte peut être déposée de deux façons : soit par lettre recommandée avec avis de réception au procureur de la République, soit en faisant appel à un huissier qui fera citer l’ex-conjoint débiteur devant le tribunal correctionnel.
Dans les deux cas il est recommandé de faire appel à un avocat.