La procédure d’expulsion en cas de clause résolutoire insérée au bail d’habitation


Statut de la question : Publiée
Categorie(s) de la question : Droit des contrats, Voies d'exécution

Détails de la question :

Bonjour, mon locataire ne paye plus son loyer depuis janvier 2016, et je voulais savoir comment je peux l’expulser, sachant que dans le bail, il y a une clause résolutoire qui dit : « A défaut de paiement de tout ou partie du loyer ou des charges et un mois après commandement de payer demeuré infructueux, le présent contrat sera résilié immédiatement et de plein droit et le bailleur pourra dans le cas où le locataire ne quitterait pas les lieux, l’y contraindre par simple ordonnance de référé ».
Ayant déjà fait une lettre que j’ai déposé lui demandant de payer, je suppose que je dois faire une autre lettre avec AR. Je voulais savoir si je devais faire appel à un huissier pour l’expulser ou si la clause du bail est valable ?

La réponse :

L’expulsion est la mesure d’exécution forcée qui a pour objet de libérer un immeuble des personnes qui l’occupent et des biens qui s’y trouvent. En signant un bail d’habitation comportant une clause résolutoire, le locataire accepte que la violation de l’une des obligations visées par la clause entraîne la résiliation pure et simple du bail (article 24 de la Loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi 86-1290 du 23 décembre 1986).

Exemples : en cas de non-paiement du loyer, des charges, du dépôt de garantie, en cas de non-souscription d’une assurance des risques locatifs, en cas de non-respect de l’obligation d’user paisiblement des locaux loués dans le cas de troubles de voisinage constatés par une décision de justice.

Il sera toutefois nécessaire de saisir le juge qui vérifiera que le locataire a bien violé ses obligations, l’expulsion ne pouvant être exécutée qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation (article L.411-1 du Code des procédures civiles d’exécution). Si c’est le cas, le juge devra constater la résiliation du bail et ordonner l’expulsion. Toutefois, il peut aussi accorder au locataire des délais de paiement, dits délais de grâce, pour une durée pouvant aller jusqu’à trois ans (article 24, V, de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989).

La procédure se déroule en plusieurs étapes :

  • la signification d’un commandement de payer. Le bailleur doit s’adresser à un huissier de justice exerçant dans le ressort territorial du logement du débiteur. L’huissier de justice va adresser un commandement de payer visant la clause résolutoire au locataire afin que celui-ci soit informé de l’intention du bailleur de se prévaloir de cette clause. L’envoi d’un commandement de payer constitue la première étape de la mise en œuvre d’une clause résolutoire. Le commandement de payer visant la clause résolutoire ne peut être signifié que par acte d’huissier, à l’exclusion de toute autre forme, fût-elle prévue par le bail. Une simple mise en demeure effectuée par LRAR est donc sans effet sur la résiliation du bail.
  • le respect d’un délai de deux mois laissé au locataire pour régulariser sa situation :
    • Si le locataire paie sa dette, les choses en restent là et le bail suit son cours.
    • Si le locataire demande des délais de paiement, le bailleur a la possibilité de les lui accorder mais n’y est pas obligé. Pour contraindre le bailleur, le locataire devra saisir le juge et lui demander un délai de grâce (article 1343-5 du Code civil).
  • si le locataire ne réagit pas, le bailleur doit saisir le juge pour qu’il constate l’acquisition de la clause résolutoire.
  • le propriétaire doit assigner le locataire devant le tribunal d’instance en constat de résiliation. Territorialement, la compétence revient au tribunal dans le ressort duquel est situé le logement loué (article R.221-48 du Code de l’organisation judiciaire). L’assignation doit être délivrée par huissier de justice au locataire et une copie sera adressée à la préfecture afin qu’elle puisse saisir des commissions de relogement. L’audience est fixée au minimum deux mois plus tard.
  • le jugement. Le juge va vérifier que le bailleur a agi de bonne foi, que toutes les étapes de la procédure ont été respectées et que la dette est bien due. Soit il décide d’accorder un délai de grâce au locataire pouvant régler sa dette locative, soit il constate l’acquisition de la clause résolutoire et prononce l’expulsion du locataire.
  • la signification du jugement par acte d’huissier au locataire et la délivrance du commandement d’avoir à libérer les locaux. En pratique, l’huissier de justice signifie le jugement et délivre un commandement de quitter les lieux (article R.411-1 du Code des procédures civiles d’exécution) en même temps. A compter de cela, s’ouvre un délai de 2 mois pour que le locataire quitte les lieux (article L.412-1 du Code des procédures civiles d’exécution). Mais le juge peut exceptionnellement réduire ou supprimer le délai, par une décision spéciale et motivée (articles L.412-2 et L.412-3 du Code des procédures civiles d’exécution). S’il ne le fait pas, l’huissier de justice procédera à une tentative d’expulsion (c’est-à-dire qu’il se rend sur place pour vérifier si le locataire vit toujours là, s’il y a son nom sur la boîte aux lettres, etc.) et si le locataire refuse de quitter les lieux, il dressera un procès-verbal de réquisition de la force publique afin que la préfecture lui accorde son concours pour l’expulsion. La préfecture peut refuser de prêter son concours mais elle peut voir sa responsabilité engagée. Elle peut différer l’expulsion également. La procédure d’expulsion doit être mise en œuvre par un huissier de justice. L’huissier de justice peut annoncer préalablement sa visite, mais ce n’est pas obligatoire. Il doit se présenter au logement les jours ouvrables entre 6 heures et 21 heures.

Plusieurs cas de figure peuvent se présenter le jour de l’expulsion :

  • le locataire n’émet aucune protestation pour quitter les lieux : l’huissier de justice dresse un procès-verbal d’expulsion (article R.432-1 du Code des procédures civiles d’exécution) dans lequel il procède à l’inventaire des meubles et indique les lieux où ils sont déposés et récupère les clés du logement. Le procès-verbal devra être remis ou signifié à la personne expulsée (article R.432-2 du Code des procédures civiles d’exécution).
  • le locataire refuse d’ouvrir la porte ou est absent : l’huissier de justice dresse un procès-verbal de tentative d’expulsion qui relate son échec et requiert le concours de la force publique.
  • le locataire a volontairement quitté les lieux après le commandement : l’huissier de justice doit engager la procédure de reprise des locaux abandonnés. Il ne peut pénétrer dans le logement qu’en présence du maire de la commune, d’un conseiller municipal ou d’un fonctionnaire municipal délégué par le maire à cette fin, d’une autorité de police ou de gendarmerie, requis pour assister au déroulement des opérations ou, à défaut, de deux témoins majeurs qui ne sont au service ni du créancier ni de l’huissier de justice chargé de l’exécution (article L.142-1 du Code des procédures civiles d’exécution). L’huissier de justice, après avoir constaté l’abandon des lieux, dresse ensuite un procès-verbal des opérations de reprise des lieux (article R.451-2 du Code des procédures civiles d’exécution), fait enlever les meubles et changer la serrure. Il informe le locataire par une affiche placardée sur la porte par laquelle il lui signifie qu’il ne peut plus pénétrer dans le logement.

Les décisions de justice d’expulsion de locataire de locaux d’habitation ne peuvent pas être exécutées au cours de la trêve hivernale, soit du 1er novembre au 31 mars (article L.412-6 du Code des procédures civiles d’exécution). Mais cette trêve hivernale n’empêche pas le propriétaire d’engager un recours devant le tribunal d’instance visant à ouvrir une procédure d’expulsion, l’expulsion sera alors effective dès la fin de la trêve.