Dévolution successorale légale et représentation en présence de neveux et nièces en raison de l’absence d’enfants, de père et mère et de frère et sœur du défunt


Statut de la question : Publiée
Categorie(s) de la question : Libéralités et droit des successions

Détails de la question :

Neveux direct, potentiellement héritier d’une tante sans enfant, décédée le 15 mai dernier, dois-je me faire connaitre auprès du notaire de la défunte ? Si oui, dans quel délai ? Ou est-ce le notaire qui fait les recherches d’héritiers ?
Cette tante avait 4 neveux directs dont un décédé il y a 2 ans lequel avait 4 enfants. Sachant qu’il existe une mésentente profonde entre moi-même et 2 neveux vivants dont un est mon frère. A ma connaissance , il n’existe pas de testament.
Merci de votre aide

La réponse :

 Tout d’abord, il convient de rappeler que pour être héritier, des conditions sont nécessaires :

  • la personne doit exister, c’est-à-dire être née viable ou ayant été conçue à la date du décès ;
  • la personne ne doit pas être exclue de la succession pour cause d’« indignité » (articles 726 et 727 du Code civil).

I- sur la dévolution successorale 

Il existe deux types de dévolution successorale :

  • ab intestat (légale) : lorsque le défunt n’a pas laissé de dispositions de dernières volontés (testament), la loi désigne les héritiers qui seront appelés à succéder. Dans le cadre de cette dévolution, on appliquera notamment les règles d’ordre et de degré ;
  • avec dispositions de dernières volontés (testament) ;

Aux termes de l’article 720 du Code civil, le lieu d’ouverture de la succession est le lieu du dernier domicile du défunt.

Dans le cadre d’une dévolution légale, les héritiers sont appelés à succéder selon l’ordre suivant :

  • 1) Les enfants et leurs descendants (petite-fille, petit-fils, arrière petite-fille, arrière petite-fille etc.)

A savoir que les enfants sont considérés comme « héritiers réservataires »  

  • 2) Les pères et mères ainsi que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers (neveux, nièces, petits-neveux et petites-nièces) ;
  • 3) Les ascendants autres que les parents (grands-parents, arrière grands-parents etc.) ;
  • 4) Les collatéraux autres que les frères et sœurs (oncles, tantes, grands oncles, grandes-tantes etc.) et les descendants de ces derniers (cousins, petits-cousins etc.) ;

Cependant, chaque ordre appelé à succéder exclut les suivants.

A titre d’exemple :

  • si la personne décédée laisse deux enfants ainsi que sa mère et son grand-père paternel, ses deux enfants hériteront chacun pour moitié des biens composant la succession ; 
  • si la personne décédée laisse deux enfants ainsi que sa mère et deux soeurs, ses deux enfants hériteront chacun pour moitié des biens composant la succession ; 
  • si la personne décédée laisse sa mère et son père, chacun des parents héritera pour moitié des biens composant la succession ; 
  • si la personne décédée laisse sa mère, son père et une sœur, chacun des parents héritera pour un quart des biens composant la succession et sa soeur héritera pour moitié. 
  • si la personne décédée laisse sa mère et une sœur, sa mère héritera pour un quart des biens composant la succession et sa soeur héritera pour trois quart. 

Chaque ordre comprend des degrés. La proximité de parenté s’établit par le nombre de générations ; chaque génération s’appelle un degré (article 735 du Code civil). C’est ainsi l’héritier le plus proche en degré qui exclut les autres degrés. 

L’article 743 du Code civil énonce : 
« En ligne collatérale, les degrés se comptent par les générations, depuis l’un des parents jusques et non compris l’auteur commun, et depuis celui-ci jusqu’à l’autre parent.

Ainsi, les frères et sœurs sont au deuxième degré ; l’oncle et le neveu ou la nièce sont au troisième degré ; les cousins germains et cousines germaines au quatrième ; ainsi de suite ».

Héritiers :

1er ordre : concerne les descendants :

  • 1er degré : enfants 
  • 2ème degré : petits-enfants
  • 3ème degré : arrières petits-enfants

2ème ordre : concerne les ascendants et collatéraux privilégiés

  • 1er degré : père et mère
  • 2ème degré : frères et soeurs 
  • 3ème degré : neveux et nièces 
  • 4ème degré : petits neveux et petites nièces

3ème ordre : concerne les ascendants ordinaires

  • 1er degré : – 
  • 2ème : grands-parents
  • 3ème degré : arrières grands-parents
  • 4ème degré : arrières arrières grands-parents

4ème degré : concerne les collatéraux ordinaires :

  • 1er degré : –
  • 2ème degré : – 
  • 3ème degré : oncles et tantes
  • 4ème degré : cousins germains 

Aux règles de l’ordre et du degré viennent s’ajouter deux exceptions :

  • La fente successorale :

Il s’agit d’un procédé qui divise la succession en deux branches : du côté maternel et du côté paternel. Cette règle ne vaut que dans les successions remontantes et collatérales. Elle ne joue pas pour les frères et sœurs et leurs descendants.

A titre  d’exemple, si une personne décède et qu’elle ne laisse ni enfants ni conjoint ni frères et sœurs, ni neveux ou nièces, la succession sera dévolue pour moitié aux ascendants maternels et paternels (parents, grands-parents, arrières grands-parents etc). Ainsi, si la personne laisse pour lui succéder son grand-père maternel et sa grand-mère paternelle, la succession sera dévolue pour 50% du côté paternel et 50% du côté maternel.

Autre exemple : si la personne décédée laisse pour hériter sa mère et ses grands-parents paternels, la succession serait dévolue pour moitié à la branche maternelle et pour moitié à la branche paternelle. Ainsi, sa mère héritera pour moitié et ses grands-parents paternels hériteront pour un quart chacun. 

  • La représentation successorale :

Ainsi, si les frères et sœurs du défunt sont prédécédés, les enfants de ces derniers (neveux et nièces ou petit neveux et petites nièces en cas de décès des neveux ou nièces etc) seront appelés à la succession par le mécanisme de la représentation successorale (articles 751 et suivants du Code civil). La règle de la représentation permet aux descendants d’une personne décédée d’hériter à sa place.

Ce mécanisme s’applique en cas de renonciation à succession ou d’indignité (l’indignité ne frappe que l’auteur et non ses enfants et les enfants de ceux-ci).

Attention : le mécanisme ne joue pas en faveur des descendants d’un héritier non réservataire déshérité par testament (Cass, civ, 1ère, 17 avril 2019, pourvoi n° 17-11.508).

L’article 751 du Code civil énonce :

« La représentation est une fiction juridique qui a pour effet d’appeler à la succession les représentants aux droits du représenté ».

L’article 752 du Code civil énonce :

« La représentation a lieu à l’infini dans la ligne directe descendante.

Elle est admise dans tous les cas, soit que les enfants du défunt concourent avec les descendants d’un enfant prédécédé, soit que tous les enfants du défunt étant morts avant lui, les descendants desdits enfants se trouvent entre eux en degrés égaux ou inégaux ».

L’article 752-2 du Code civil dispose :
« En ligne collatérale, la représentation est admise en faveur des enfants et descendants de frères ou sœurs du défunt, soit qu’ils viennent à sa succession concurremment avec des oncles ou tantes, soit que tous les frères et sœurs du défunt étant prédécédés, la succession se trouve dévolue à leurs descendants en degrés égaux ou inégaux ».

Dès lors, chaque héritier pourra prétendre à des droits successoraux dans l’actif net successoral (actif brut – passif). 

A titre d’exemple, si la personne décédée laisse pour lui succéder 4 neveux et nièces dont 1 prédécédé laissant pour lui succéder également 4 enfants, la représentation permet aux enfants du neveux prédécédé de venir aux droits du représenté et donc de se partager la part de la succession qu’il aurait eu s’il était encore en vie. Les droits successoraux seront répartis de la manière suivante : 

  • N1 : 1/4 (25%) ;
  • N2 : 1/4 (25%) ;
  • N3: 1/4 (25%) ;
  • N4 prédécédé : 1/4 (25%) réparti entre ses 4 enfants ; E1 : 1/16ème (soit 6,25 %) ; E2 : 1/16ème (soit 6,25 %) ; E3 : 1/16ème (soit 6,25 %) ; E4 : 1/16ème (soit 6,25 %) ;

II- sur le rôle du notaire dans le cadre d’une succession 

Le notaire est en charge d’établir les différents actes et formalités (notoriété, attestation de propriété, partage, convention de quasi-usufruit, déclaration de succession), d’établir les droits successoraux revenant à chacun à partir du bilan de la situation patrimoniale du défunt ainsi que de rechercher les différents héritiers de la personne décédée. 

A titre d’exemple, le notaire sollicite des informations aux autres héritiers. Pour ce faire, il demande la copie du livret de famille de la personne décédée mais aussi celui des héritiers prédécédés pouvant laisser des enfants pour leur succéder, il demande aussi les actes d’état civil (acte de naissance, de mariage, de décès). Cependant, il est patent que le notaire peut faire face à des difficultés. Ainsi, dans ce cas, il peut recourir à un professionnel spécialisé (généalogiste).

Il convient de noter que le recours à un généalogiste est très encadré. Le contrat de recherche d’héritier ne sera régulier et valable qu’à la condition que le mandat (procuration) soit donné par une « personne ayant un intérêt direct et légitime à l’identification des héritiers ou au règlement de la succession » (loi n°2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, article 36).

A toutes fins utiles, il est possible pour une personne s’estimant héritier d’envoyer un courrier au notaire en charge de la succession afin de lui faire part de son existence, ceci permettant de s’assurer qu’il n’a pas été oublié. 

Cependant, un héritier qui a été oublié de manière intentionnelle ou non dispose d’un délai de 10 ans à compter de l’ouverture de la succession afin de se faire connaitre auprès du notaire en charge de la succession (articles 780 et suivants du Code civil). 

C’est pourquoi, en cas de doute, il convient de contacter le notaire, sous peine de se voir exclus, en principe, définitivement de la succession puisque la personne qui n’agit pas dans les délais perd le bénéfice de ses droits successoraux.

III- sur la fiscalité 

Enfin, il convient de noter que les héritiers ont des droits de succession à payer aux services fiscaux (en application d’un barème fiscal), suivant déduction de l’abattement en fonction de la qualité d’héritier.

« Depuis 2007, les neveux et nièces héritant de leur oncle ou tante par représentation de leur parent décédé bénéficient de la fiscalité applicable aux transmissions entre frères et sœurs, à savoir un abattement d’un montant de 15 697 € avec un taux de 35% et 45%. Mais s’ils sont aussi légataires ou bénéficiaires d’une assurance vie, alimentée au-delà de 70 ans, ces sommes sont taxées selon le barème entre oncle et neveux (55%) après abattement de 7849 € (rép. min. n°58271 et n°59852, JOAN du 23.2.10) ».

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