Facture excessive d’un serrurier appelé pour entrer dans un logement en location saisonnière


Statut de la question : Publiée
Categorie(s) de la question : Droit de la responsabilité, Droit des contrats, Droit pénal

Détails de la question :

Bonjour,

Je vous écris suite à un récent séjour à Marseille, le 10 et 11 novembre dernier, où nous avons loué un appartement, via un site de réservation.

En fait, nous avons eu un soucis la nuit du samedi soir. En rentrant, la serrure de la porte était bloquée et nous ne parvenions plus à rentrer.

Nous avons tenté pendant plusieurs minutes de déverrouiller la porte, sans succès. Nous avons donc tenté d’appeler la personne qui nous a accueillies vendredi, sans succès, ainsi que le numéro d’urgence du propriétaire, sans succès. Ayant essayé ceci à plusieurs reprises, nous avons finalement décidé d’appeler un serrurier d’urgence, trouvé sur Google, qui est arrivé 1 heure plus tard.

Le tout a duré plus de deux heures, lorsque nous avons finalement réussi à rentrer dans l’appartement. Evidemment, nous avons dû nous acquitter de la facture du serrurier, qui s’est montée à la somme faramineuse de 1526,69€.

Le lendemain, le propriétaire nous a finalement rappelé mais n’a pas pu se rendre sur les lieux avant notre départ. À présent, il nous informe que le serrurier était frauduleux et ne veut pas nous rembourser car son assurance ne veut rien prendre en charge.

Nous sommes dans l’impasse et nous ne voulons absolument pas porter cette charge à nos frais.

Nous vous remercions grandement d’avance pour toute aide et assistance que pouvez nous apporter.

Cordialement,

La réponse :

I. Sur le contrat de location saisonnière
Le contrat de location saisonnière consiste, pour un particulier, à louer pour une courte période un bien immobilier meublé. La location saisonnière est régie par le Code civil aux articles 1713 et suivants. Bien que la durée, le prix et les conditions du contrat soient librement déterminés par les parties, la loi prévoit un certain nombre de règles que le bailleur et le preneur doivent respecter.

  • Les obligations du bailleur 

En ce qui concerne l’état de la location, pour ce type de contrat, l’article 1719 du Code civil dispose que le bailleur (personne qui donne à bail) est toujours obligé de délivrer la chose louée et de l’entretenir en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.

L’article 6 de la loi du 06 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs indique que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Le bailleur est notamment obligé :

a) De délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ;

b) D’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l’état des lieux, auraient fait l’objet de la clause expresse ;

c) D’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués ;

Ainsi, le bailleur doit effectuer, à ses frais, pendant la location les réparations, l’entretien et les petits travaux nécessaires. Il s’agit ici de la garantie de jouissance paisible qui est une obligation du bailleur. Ex.: remplacement du chauffe-eau, obligation de fournir un local qui ferme à clé, et a fortiori qui peut s’ouvrir, remplacement des éléments défectueux comme les volets, robinets, serrures… Le bailleur devra indemniser son locataire dès lors qu’un défaut ou un vice inhérent au bien loué a entraîné une perte pour ce dernier.

  • Les obligations du locataire 

Le locataire, ou preneur (celui qui prend en location un bien) est tenu de deux obligations principales prévues à l’article 1728 du Code civil : il doit user de la chose louée raisonnablement et respecter sa destination (l’usage pour lequel la chose est destinée) et il doit payer le prix du bail convenu.

Les réparations locatives restent à la charge du preneur, cela concerne l’entretien courant du logement et les menues réparations. Ex.: le remplacement des interrupteurs ou prises de courant, nettoyage des gouttières, graissage des serrures ou remplacement de petites pièces ainsi que des clés égarées ou cassées…  À noter qu’aucune des réparations réputées locatives n’est à la charge du locataire dès lors qu’elles sont occasionnées par vétusté ou en cas force majeure (ce dernier cas concerne des circonstances exceptionnelles sans lien avec le locataire), comme le prévoit l’article 1755 du Code civil. De plus, il sera parfois difficile d’exiger du locataire des réparations locatives lorsque le bail est de très courte durée.

L’article 1732 précise que le preneur n’a pas à répondre des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa location s’il prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute. Le locataire devra ainsi rapporter la preuve que les réparations n’ont pas été rendues nécessaires par un usage anormal du bien loué ou une dégradation occasionnée par sa faute. Dès lors que les réparations sont dues à la vétusté de la chose ou à des circonstances exceptionnelles sans lien avec le locataire, celui-ci pourra réclamer au bailleur le remboursement des sommes avancées pour effectuer les réparations.

  • Les recours possibles 

Si le bailleur manque à l’une de ses obligations, le locataire pourra exercer une action en indemnisation pour inexécution du contrat et ainsi obtenir des dommages-intérêts couvrant les frais qu’il a pu engager.

En plus de pouvoir agir contre le bailleur qui est tenu d’indemniser le locataire pour les frais engagés dans la réparation du bien loué, le locataire pourra également se renseigner auprès de sa propre assurance afin de s’informer sur une éventuelle prise en charge des frais de l’intervention. Dans le cas d’une location via un site de réservation, il convient pour le locataire de se rapprocher d’un service client afin que les frais engagés par lui soient pris en charge par l’assurance de ce site, facture à l’appui.

Par ailleurs, le code du tourisme prévoit des sanctions pour défaut ou insuffisance grave d’entretien du meublé de tourisme et de ses installations. L’article R324-7 du Code du tourisme dispose que dans ces situations le préfet peut ordonner la radiation du bien en question de la liste du classement des meublés de tourisme. Néanmoins cette sanction ne pourra être prononcée que si le critère de gravité est rempli, il s’agit ici des cas d’insalubrité lorsque le bien présente un danger pour la santé ou la sécurité des occupants. Ex.: une installation électrique non sécurisée; présence d’humidité avec développement de moisissures… 

II. Sur le contrat de prestation 
Selon l’article L 111-1 du Code de la consommation, tout professionnel vendeur de biens ou de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service, ainsi que son prix, de la date ou du délai éventuel. Ces informations précontractuelles sont souvent intégrées dans un devis dont la délivrance est parfois obligatoire.

  • L’obligation de délivrer un devis

Quel que soit l’objet du contrat, celui-ci doit obligatoirement être écrit avant l’achat dès que l’engagement des parties dépasse 1 500 €.

Mais pour ce qui est des prestations de service, depuis la loi Hamon du 17 mars 2014 relative à la consommation, le professionnel doit fournir un devis suffisamment détaillé si le prix ne peut pas être déterminé à l’avance et que le consommateur en fait la demande. La délivrance de ce devis devient OBLIGATOIRE préalablement à l’exécution des travaux, dès lors que leur montant estimé est supérieur à 150 €.

Cette obligation concerne notamment les prestations de travaux et dépannages. Ex. : un devis devra ainsi être obligatoirement délivré au consommateur avant toute réparation ou dépannage en matière de serrurerie, plomberie, étanchéité, etc.

L’article L131-1 d Code de la consommation précise que tout manquement à l’obligation d’information précontractuelle du consommateur est passible d’une amende administrative pouvant aller jusqu’à 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale.

  • Le délit d’escroquerie  

L’escroquerie est une infraction punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

L’article 313-1 du Code pénal définit l’escroquerie comme le fait d’obtenir un bien ou de l’argent par des manœuvres frauduleuses afin de tromper sa victime qui remet ainsi volontairement son bien ou son argent. Se rend coupable d’escroquerie celui qui agit en utilisant un faux nom, une fausse qualité ou en abusant de sa qualité vraie, ou celui qui usera de mensonges ou de faux documents pour tromper la victime.

Une personne se faisant passer pour un professionnel afin de facturer un service rendu ou un véritable professionnel abusant de sa qualité pour obtenir un bien ou de l’argent de manière indue pourra être poursuivie pénalement pour escroquerie.

Si les conditions de l’escroquerie sont réunies, la victime pourra déposer plainte auprès des services de police ou de gendarmerie dans un délai de six ans à compter de la dernière remise d’argent.

  • Les recours possibles

Si le litige porte simplement sur le montant de la facture à régler ou si le consommateur n’a pas été correctement informé sur le prix et les spécificités du service vendu, il sera opportun de tenter une résolution amiable avec le serrurier avant d’envisager une procédure judiciaire.

Le rapprochement amiable peut se faire par l’envoi d’un courrier recommandé avec avis de réception (LRAR). Ce courrier devra indiquer un délai suffisant laissé au professionnel (en général huit jours) pour que celui-ci procède au remboursement du trop perçu ou propose une solution amiable satisfaisante. À défaut d’accord amiable satisfaisant, il sera possible de porter le litige devant la juridiction civile compétente. L’action en justice devra alors être intentée dans un délai de cinq ans à compter de la survenance du litige.

L’action en justice pourra être fondée sur l’article 1165 du Code civil qui prévoit que « dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation. » Depuis la loi du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, l’article ajoute qu’ « en cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et, le cas échéant, la résolution du contrat. » Ainsi, lorsque le prix a été fixé seulement par le prestataire (celui qui effectue la prestation objet du contrat) et que le cocontractant (celui avec qui le prestataire a conclu le contrat) a payé le prix demandé, mais s’aperçoit ultérieurement d’un abus dans la fixation du prix, ce dernier pourra réclamer des dommages-intérêts ou la résiliation du contrat et ainsi obtenir la restitution des sommes versées. Cette règle est interprétative, c’est-à-dire qu’elle s’applique à tous les contrats de prestations formés depuis le 1er octobre 2016.

Liens de références utiles :