Garde des enfants


Statut de la question : Publiée
Categorie(s) de la question : Droit de la famille

Détails de la question :

Mon mari et moi avons 3 enfants (2 filles et un garçon). Je souhaiterais obtenir la garde des enfants. Mon mari ne s’y opposerait pas sauf pour notre garçon qu’il voudrait avoir auprès de lui. Que peut décider le juge ?
Comment obtenir la garde des enfants ?

La réponse :

Afin d’appréhender au mieux cette question, divers points seront abordés tels que l’articulation de l’établissement de la résidence de l’enfant avec les droits de visite et d’hébergement ; le choix et la mise en place de la résidence de l’enfant ; mais aussi les critères d’interprétation du juge aux affaires familiales.

  • L’ARTICULATION DE L’ÉTABLISSEMENT DE LA RÉSIDENCE DE L’ENFANT AVEC LES DROITS DE VISITE ET D’HÉBERGEMENT

On entend par « garde de l’enfant » le droit et le devoir de garder un enfant mineur sous sa protection. Cette mission relative à la santé, la sécurité et la moralité de l’enfant mineur revient aussi à fixer sa résidence (Art. 371-1 C. civ.)

En cas de séparation des parents, et à défaut d’accord entre eux, la résidence habituelle de l’enfant est fixée par le juge du tribunal de grande instance délégué aux affaires familiales, soit chez les deux parents (résidence alternée), soit au profit d’un seul des parents (résidence dite exclusive).

Lorsque la résidence exclusive est retenue, celui des parents qui n’en est pas le bénéficiaire aura tout de même un droit de visite et d’hébergement (Art. 373-2-6 s. C. civ.).

On entend par droit de visite la permission accordée à celui des parents chez qui n’est pas établie la résidence de son enfant mineur, d’entretenir avec lui des relations personnelles par la correspondance, le contact périodique (sorties, voyages, etc.) ou l’hébergement temporaire.

Étroitement lié au droit de visite, le droit d’hébergement permet à la même personne de recevoir son enfant mineur chez lui pour des séjours temporaires déterminés lors du jugement. (Art. 373-2-1 C. civ.).

L’exercice de ces deux droits permet de maintenir la relation avec l’enfant, ils peuvent être fixés à l’amiable ou par un juge.

 Aucune règle précise concernant l’organisation du droit de résidence, de visite et d’hébergement n’est prévue par la loi. Partant, il appartient au Juge aux Affaires Familiales (JAF) de fixer, au cas par cas, les règles qu’il estimera être dans l’intérêt de l’enfant.

Ces propos sont toutefois à nuancer. En effet, les époux peuvent organiser lesdites règles par une convention, sous réserve qu’elle soit réalisée dans le strict intérêt de l’enfant. Le juge intervenant, dans ce cas, pour contrôler cet intérêt, valider la convention, et avec elle les modalités de résidence, de visite et d’hébergement déterminées par les parents d’un commun accord.

  • LE CHOIX DE LA RÉSIDENCE DE L’ENFANT

Il existe en matière deux types de résidences : la résidence en alternance (résidence dite alternée) et la résidence exclusive.

Classiquement, on entend par résidence alternée la situation dans laquelle la résidence de l’enfant se fait par alternance chez les deux parents. Dans ce cas, les deux parents sont considérés comme en ayant la résidence de l’enfant en commun. L’enfant vit alors, en principe, « à parts égales » chez son père et sa mère. En effet, l’article 373-2-9 du Code civil n’impose pas que le temps passé par l’enfant auprès de son père et de sa mère soit de même durée. Lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, le juge aux affaires familiales peut décider d’une alternance aboutissant à un partage inégal du temps de présence de l’enfant auprès de chacun des parents (Civ. 1ère, 25 avril 2007).

Ce partage peut relever en pratique d’une présence alternative d’une semaine sur deux ou bien d’une fragmentation selon les jours (pour exemple : du lundi au mercredi chez la mère, du jeudi au dimanche chez le père, etc.). Ainsi, lorsque la résidence alternée est mise en place, l’enfant peut résider alternativement au domicile de chacun des parents, au domicile de l’un des parents, mais aussi chez une tierce personne. Cette dernière alternative étant décidée à titre exceptionnelle soit chez une personne (choisie de préférence dans la famille) soit dans un établissement d’éducation.

Contrairement aux idées reçues, on parle de résidence exclusive lorsque l’enfant passe plus de 60 % de son temps à l’année chez un seul de ses parents (soit entre 149 et 219 jours par an), et non pas lorsque l’enfant réside toute l’année chez un seul des parents.

À défaut d’entente entre les parents sur le mode de résidence retenue, le juge exercera son appréciation pour opérer ce choix.

  • LA MISE EN PLACE DE CE CHOIX

Il existe diverses situations dans lesquelles peut intervenir l’obtention de la résidence des enfants : dans le cadre d’un divorce, d’une séparation des parents (qu’ils soient en couple, partenaires de PACS), voire lorsque les parents ne sont pas en couple.

Lors d’un éventuel divorce, la résidence de l’enfant peut être fixée de deux manières.

Lorsque les parents se sont accordés, la résidence sera fixée par convention (homologuée par le juge aux affaires familiales). Pour être homologuée, le juge doit constater la préservation de l’intérêt de l’enfant et le libre consentement des parents (Art. 373-2-7 C. civ). Le juge va apprécier plusieurs éléments tels que, par exemple, le fait que le lieu d’habitation soit à proximité de l’école de l’enfant, ou encore que le planning prévu respecte la place des deux parents dans la vie de l’enfant. L’idée est que le juge va regarder si la convention répond aux besoins et à l’intérêt de l’enfant. De même, il appréciera les moyens de chaque époux, notamment au travers d’un logement adapté. En effet, si l’un des parents a un studio et doit s’occuper de plusieurs enfants, il sera difficile de répondre et aux besoins et à l’intérêt des enfants. D’autres éléments peuvent être pris en compte, comme la distance du logement à l’école, une raison médicale notamment lorsque le suivi s’effectue à un certain endroit, ou encore si l’enfant est dans un établissement spécialisé.

L’organisation familiale va devoir être proposée en fonction des particularités de l’enfant. De même, le juge va s’attacher à ne pas défaire la scolarité de l’enfant. Pareillement, l’enfant ne doit pas grandir dans un conflit de loyauté (situation où l’enfant se voit contraint de choisir entre leur père et leur mère), au regard de tous ces éléments, le juge décide s’il homologuera la convention ou non.

Ce n’est que si la convention est homologuée par le juge, que ses dispositions deviendront légalement obligatoires.

Si la convention n’est pas soumise au JAF, elle aura une valeur morale entre les parents, mais en cas de non-respect de celle-ci, aucune possibilité d’exécution forcée ne sera à disposition de l’autre parent. L’intervention du juge est ainsi une nécessité. En effet, seule l’homologation de cette convention par le juge aux affaires familiales, saisi sur requête conjointe ou d’un seul des parents (sans obligation d’avocat), rendra son application obligatoire.

Cependant, en cas de désaccord, le juge aux affaires familiales appréciera la meilleure situation pour les enfants. Il convient de préciser, lorsque les parents n’arrivent pas à s’accorder, que le juge n’est pas tenu d’ordonner la résidence en alternance à titre provisoire (Civ. 1ère, 14 févr. 2006).

En cas de séparation (notion entendue largement ici), ou lorsque les parents n’ont jamais été en couple, (sera pris en considération tous les cas où les parents ont un domicile distinct et qu’ils souhaitent organiser l’exercice de leurs autorités parentales), les parents peuvent convenir d’un commun accord, conventionnellement, la résidence de l’enfant. Comme vu précédemment, la convention pour être valable, doit être homologuée par le juge.

Lorsque ceux-ci ne sont pas mariés, ils peuvent saisir, lors d’un désaccord, le juge aux affaires familiales qui fixera ladite résidence. Pour se faire, il convient d’utiliser le formulaire cerfa n° 11530*05

Ainsi, il apparaît que la résidence peut être établie par l’entente amiable, la saisie du juge aux affaires familiales, mais elle est également envisageable par médiation.

Lorsque les époux se mettent d’accord, une entente amiable est établie. Dès lors, lorsque les époux, futurs ex-époux, ou ex-époux s’accordent sur les modalités de la résidence, la responsabilité parentale, et le cas échéant sur le droit de visite et d’hébergement, ceux-ci doivent respecter un formalisme. En effet, il convient de mettre le résultat de la discussion par écrit afin de présenter ladite convention à homologation par un juge. Il est conseillé de faire appel à un avocat pour s’assurer que les droits de chacun sont respectés.

Lorsque les parents n’arrivent pas à s’entendre, il leur est possible de faire appel à un médiateur. Le médiateur étant une personne indépendante, il ne peut pas prendre parti pour l’un ou l’autre parent. Ainsi, son rôle est uniquement réservé à la médiation et non pas à une prise de décision (réservée au juge).

La médiation peut être un choix des parents ou être imposée par le juge aux affaires familiales (Art. 373-2-10 alinéa 3 C. civ.).

Si la médiation parvient à une entente, le médiateur doit rédiger l’accord dans lequel sera fixée la responsabilité parentale, ainsi que le choix relatif à la résidence et ses modalités.

Si l’entente amiable est impossible, il convient de faire appel à un avocat qui négociera au nom de son client. L’avocat spécialisé en droit de la famille pouvant tenter de parvenir à un accord avant de saisir le tribunal.

Lorsque la procédure amiable est un échec, il est fait place à la procédure judiciaire : la saisie du juge aux affaires familiales.

  • L’INTERVENTION DU JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES

Lorsque le juge aux affaires familiales rend un jugement en la matière, il se doit de statuer sur le mode de résidence en prenant en compte la volonté d’un des parents d’obtenir la résidence exclusive sans pour autant écarter la possibilité d’un mode de résidence alternée.

Pour rendre sa décision, le juge apprécie la situation selon différents critères objectifs. En effet, le juge ne peut directement privilégier un mode de résidence, il se doit d’analyser la situation familiale afin de convenir du mode de résidence le plus approprié aux intérêts de l’enfant.

Ainsi, l’enfant est au cœur de la décision, en témoigne les critères d’appréciation retenus par le juge : l’âge de l’enfant ; la relation entre l’enfant et chacun de ses parents ; la capacité ou non des parents à répondre aux besoins de l’enfant ; la disponibilité des parents ; la stabilité de l’enfant ; les besoins de l’enfant ; l’opinion de l’enfant ; la volonté des parents de conserver ou non une relation avec l’enfant, etc.

Si certains critères sont retenus, d’autres ne sont pas pris en compte. C’est notamment le cas des ressources financières de chaque parent ; de l’orientation sexuelle ; des cas de remariage ou de concubinage ; ou bien encore de la conduite du parent envers l’autre comme l’adultère.

Si la résidence alternée peut sembler séduisante sous l’angle de l’intérêt personnel d’un parent (lui permettant de ne pas se sentir dépossédé de l’enfant ou de s’affirmer aux yeux des tiers sa qualité de père ou mère) « elle entraîne néanmoins pour le mineur une modification importante de son rythme de vie ne serait-ce que par les contraintes matérielles qui en découlent, indépendamment des tensions psychologiques auxquelles il peut être exposé en cas de désaccord de l’un des parents avec le mode de résidence alternée » (CA Lyon, 27 juin 2011).

L’appréciation concrète de l’intérêt de l’enfant dans le cadre de la détermination de sa résidence est fondée sur différents critères tels que la sécurité de l’intéressé. La sécurité de l’enfant a ainsi pu justifier la fixation de la résidence chez la mère en raison des violences du père ou de son alcoolisme (CA Riom, 31 juill. 2001). De même, lorsque des agressions sexuelles commises par son demi-frère, l’enfant présentant une souffrance émotionnelle constante, peut être séparé de ce dernier. (CA Paris, 8 juill. 2014).

Lorsque la fratrie est composée de plusieurs enfants, il arrive que les parents souhaitent les séparer. Pour exemple, si la fratrie est composée de trois enfants, le père peut souhaiter prendre un seul des enfants, laissant les deux autres aux bons soins de leur mère. Une telle situation est appréhendée par le Code civil, en son article 371-5 au sein duquel il est précisé que « l’enfant ne doit pas être séparé de ses frères et sœurs ». Ainsi, il semblerait que la séparation de la fratrie soit impossible. Cependant, il est précisé par la suite que cela est possible lorsque l’intérêt de l’enfant le commande. C’est notamment le cas lorsque l’un des enfants est un danger pour ses frères et sœurs. L’appréciation de l’intérêt de l’enfant se fait souverainement par les juges du fond (Civ. 2ème, 19 nov. 1998).

Au regard de la jurisprudence, le principe de vie commune des frères et sœurs semble revêtir la force contraignante d’une présomption simple qui ne paraît pas si aisée à renverser. Toutefois, il est toujours possible que l’intérêt de l’enfant commande de séparer la fratrie soit apportée.

Ainsi, pour certains juges, la différence d’âge entre les enfants est de nature à justifier la fixation de résidences distinctes pour les enfants, au regard des exigences posées par l’article 371-5 du Code civil.

 Lorsque la résidence exclusive est choisie, l’autre parent bénéficiera d’un droit de visite ou d’hébergement. Le juge aux affaires familiales statuera ainsi sur ces droits. (Art. 373-2-9 alinéa 2 C. civ.)

C’est notamment le cas lorsque les parents n’ont pas fait constater de la teneur d’un accord entre eux, quant aux modalités d’exercice du droit de visite ; il appartient au juge de les fixer après avoir invité les parties à présenter leurs observations (Civ. 1ère, 23 nov. 2011).

Cependant, ces droits peuvent être refusés à l’autre parent sous réserve qu’un motif grave survienne (Art. 373-2-1 alinéa 2 C. civ.) tel que des cas de maltraitance ; l’abus d’alcool ; l’impossibilité de recevoir son enfant dans de bonnes conditions, etc. Pour illustration, est insuffisant le fait que les enfants ne souhaitent pas revoir le parent (Civ. 1ère, 14 mars 2006, Bull. civ. I, n° 147). Toutefois, lorsque le parent refuse de se conformer aux décisions de justice et de laisser rentrer l’enfant en France à l’issue des vacances, le droit de visite et d’hébergement peut être refusé (Civ. 1ère, 17 janv. 2006).

Partant, il appartient à celui des parents qui souhaite obtenir la résidence exclusive de démontrer au juge l’incapacité de l’autre parent à répondre aux besoins de l’enfant.

En cas de désaccord sur le lieu de résidence des enfants, l’un des parents séparés peut saisir dans les formes du référé le juge aux affaires familiales pour qu’il statue comme un juge du fond. De même, ce dernier peut être saisi, à titre provisoire, en cas d’urgence pour régler la situation (Civ. 1ère, 28 oct. 2009).

Il convient de préciser que le choix de ces mesures n’est pas définitif et peut évoluer, notamment lorsque le mode de résidence n’est plus adapté. Ce choix, qu’il émane d’une décision de justice, ou d’une convention homologuée, peut être modifié ou complété à tout moment par le juge (Art. 373-2-13 C. civ.). Et ce, à la demande des ou d’un parent, voire du ministère public (qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non).

Cependant, pour qu’une modification du jugement ait lieu, l’intérêt de l’enfant doit être préservé. Pour illustration, une résidence alternée avait été accordée aux parents de jumeaux de 3 ans. Ce mode de résidence exigeant que les parents s’entendent, en général, lorsque ça n’a plus été le cas, cette résidence n’est plus apparue comme adaptée. Dès lors, le juge a retenu la résidence exclusive des enfants à celui des parents qui était le plus disponible. (CA Besançon, 9 janv. 2004).

La stabilité de l’enfant constitue un critère important qui conduit le juge à ne pas modifier la résidence de l’enfant en l’absence de circonstance particulière qui le justifie (Civ. 1ère, 6 févr. 2008).

Ainsi, le déménagement du parent chez lequel l’enfant réside peut jouer contre lui lorsque la question de la résidence se pose après son départ avec les enfants. Le déménagement pouvant être assimilé à une perte de repères et du milieu de vie habituels des enfants (CA Bordeaux, 2 sept. 2008).